The Brussels Map Circle

HomeEvents → Patrimoines militaires habités : espaces intérieurs, mobilier et mémoire des lieux (XIVe-XXIe siècle)

Patrimoines militaires habités : espaces intérieurs, mobilier et mémoire des lieux (XIVe-XXIe siècle)


Paris, France
Organisation: Émilie d’Orgeix et Nicolas Meynen
Colloque international sous la direction scientifique d’Émilie d’Orgeix (EPHE-PSL, Histara 7347) et de Nicolas Meynen (U. Toulouse Jean-Jaurès, FRAMESPA/UMR5136 CNRS).
En partenariat avec le Groupement d’Intérêt Scientifique « Patrimoines militaires : architectures, aménagements, techniques & sociétés » (GIS P2ATS).
Á l’articulation de l’histoire de l’architecture, des Interior Studies et des études muséographiques, ce cinquième colloque international du programme « Patrimoine militaire » (2012-2024) vise à stimuler les réflexions méthodologiques sur la manière de penser et de concevoir des reconstitutions d’intérieurs historiques militaires qui soient attentives à la mémoire plurielle des lieux et des hommes qui les ont façonnés au fil du temps. Il se fonde sur deux constats. Le premier est qu’il est aujourd’hui essentiel d’infléchir l’écriture d’une histoire de l’architecture qui a longtemps considéré l’étude des aménagements intérieurs et leurs évolutions successives comme un registre secondaire, voire dissocié du projet architectural. L’histoire des espaces intérieurs, la mémoire des lieux et des objets qui les composent, par nature temporaires, fragiles et soumis aux changements d’usage, de technique, de mode et de goût, sont encore trop rarement pris en compte dans les études préalables à l’ouverture publique de sites et de monuments. Dans la grande majorité des cas, l’acquisition et la reconstitution d’intérieurs est le fruit de politiques d’achats de mobilier par substitution, afin de restituer des « états matrices » à défaut de pouvoir documenter, dans le temps long, la mémoire des lieux et des hommes qui les ont habités (Lacaze, Poulot). Le second constat est qu’il est fondamental de reprendre l’ensemble de ces questions à l’aune des paradigmes propres au patrimoine militaire : des espaces techniques collectifs, utilitaires, fonctionnels, à l’obsolescence parfois programmée, souvent dégradés, désaffectés, vidés, pillés ou même détruits. Pourtant, en dépit du renouveau porté par le champ des Interior Studies, qui a largement renouvelé les approches muséographiques ces dernières décennies (Massey, Hollis), la question des intérieurs militaires reste toujours largement absente des débats. Ainsi, en 2016, sur la cinquantaine de réponses qu’a suscité l’appel à contributions du numéro de la revue In Situ consacré à la connaissance, à la protection, à la conservation et à la présentation au public des ensembles mobiliers, industriels et techniques, aucune ne portait sur le patrimoine militaire. Hormis quelques sites qui ont fait l’objet d’enquêtes archivistiques et archéologiques approfondies, telles ceux de Louisbourg (Nouvelle-Ecosse, Canada) ou de Suomenlinna (Helsinki, Finlande), l’ouverture au public s’accompagne rarement d’études préalables documentant tant la configuration des espaces meublés que les cadres et modes de vie des hommes qui y ont vécu. D’une manière générale, s’opposent aujourd’hui, de manière assez frontale, des reconstitutions muséales interprétatives épurées de toute quotidienneté à des bricolages foisonnants nourris par le florissant marché international des militaria.
En d’autres termes, ce colloque vise à concilier les approches et à réduire les écarts entre présentation isotope et générique d’espaces militaires meublés (modèles-types de casernes, gymnases, hôpitaux, casemates, corps-de-garde, bunkers…) et restitution de lieux et de cadres de vie temporellement et spatialement « situés ». Si ces problématiques croisent parfois celles d’autres typologies d’intérieurs (dont celles du patrimoine technique et industriel), elles en suscitent également de nouvelles. Les premières tiennent à la restitution de la technicité « phasée » de ces espaces. Comment rendre compte des aménagements successifs et des gestes performés dans ces « machines immobiles », pour reprendre le terme de Vauban, en l’absence de tout vestige d’armement, de matériel ou de mobilier ? Comment documenter et restituer l’acoustique et la disposition de cubatures aujourd’hui vides, la luminosité, les odeurs de poudre et les sons parfois assourdissants des casemates, tourelles de tirs ou blockhaus ? Les deuxièmes portent sur la restitution de la nature à la fois collective et individuelle d’espaces militaires où les hommes cohabitaient en permanence en grand nombre. Quel parti-pris et quel équilibre adopter pour évoquer l’« écologie » de milieux partagés tout en rendant compte de leur appropriation individuelle par les hommes qui y vivaient ? Dans quelle mesure et comment peut-on restituer la diversité des origines sociales, des habitus tout autant que la diversité des objets dans des reconstitutions souvent vidées des scories et des rebuts de la vie quotidienne des armées. Faut-il rendre peintures dégradées, graffitis, vitres brisées, mobilier le plus souvent produit en série et objets du quotidien modestes, cassés ou rafistolés, livres cornés, tentures trouées, tables écornées… ? Les troisièmes tiennent à la reconnaissance des acteurs qui ont aménagé ces espaces. Quels ont été les concepteurs des modèles, les inventeurs de solutions d’aménagements et d’objets militaires, et quelle est leur part d’inventivité et d’innovation ? Quelles sont les chaînes de fabrication et à quelles sphères professionnelles « extérieures » a-t-il fallu recourir ? Enfin, quel parti-pris adopter pour ne pas réduire artificiellement les multiples « vies » de ces espaces militaires à quelques uniques évènements historiques comme c’est souvent le cas ? Inversement, comment restituer et équilibrer la trame du temps long, les sédimentations successives des espaces, leurs processus de réaffectation ou leur délitement progressif ? Comment concilier « l’adaptation des espaces au discours et des discours aux espaces » (Giraudier) ? Et enfin, en corollaire, quels exemples retenir des récentes approches muséographiques, les scénographies foisonnantes inspirées des « cabinets de curiosités » ou le récent retour en force des period rooms.
Venue: Paris, INHA, Salle Vasari
URL: